L’interview de
Mourad Merzouki
l’alchimiste de la danse

Crédits photo : Julie Cherki (Folia de Mourad Merzouki)

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Mourad Merzouki est danseur, chorégraphe, directeur du Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val de Marne, directeur du Centre chorégraphique Pôle Pik et fondateur de la compagnie Käfig.
Et il œuvre au quotidien pour le rayonnement de la danse, des danses sous diverses formes.
Mourad a grandi avec les arts martiaux, le cirque et le hip hop.
C’est l’histoire d’un danseur de rue qui rêvait de scène et qui est désormais une figure incontournable de la danse après plus de 20 ans de créations artistiques et des spectacles comme Vertikal, Pixel, Folia, Boxe Boxe Brasil, Cartes Blanches, Käfig etc.
Et Mourad continue de se réinventer à chaque fois.

Mourad, est-ce que tu peux te présenter ?

« Je m’appelle Mourad Merzouki, je suis né à Lyon, et je suis chorégraphe. Je dirige depuis plus de dix ans le Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val de Marne et je dirige également le Centre chorégraphique Pôle Pik et le Pôle En Scènes, qui se trouve en région Rhône-Alpes, à Bron.
Avec toutes mes responsabilités, j’ai un peu moins d’occasions de penser à mon corps, à ma danse, mais je fais plus danser les autres et c’est aussi un vrai plaisir. »

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Crédit photo : Michel Cavalca – Mourad Merzouki / Récital

Comment la danse est venue à toi ?

« Petit, mon père m’a inscrit dans une école d’arts martiaux. J’avais 7 ans. C’était une école où je faisais du karaté, de la boxe et j’adorais ça. La chance que j’ai eue est que cette même école s’est transformée en école de cirque. Au départ, nous faisions des galas et des numéros d’arts martiaux. Petit à petit, nous avons commencé à faire un peu de jonglage, de monocycle.
Kader Attou était également dans cette école. Nous étions copains de quartier.
Pendant les années 80, le hip hop est arrivé en France via l’émission de Sidney Duteil « H.I.P H.O.P ». Cette danse était incroyable par son énergie, sa générosité. Elle avait un côté acrobatique et avec notre background cirque, c’était comme une évidence. Nous pratiquions le hip hop en mélangeant cirque, danse, et arts martiaux et c’est ce qui a fait notre singularité.
Dès la fin des années 80, des personnalités de la danse ont vu ce que nous étions en train d’inventer. On nous a dit de venir danser au théâtre à Saint-Priest au Théo Argence. Pour la première fois, nous avons poussé la porte d’un théâtre et nous sommes tombés nez à nez avec des danseurs, et des chorégraphes. Nous avons commencé à comprendre que la danse pouvait être un métier. Et nous nous sommes dit « Pourquoi pas nous ? Pourquoi ne pas créer une compagnie ? Pourquoi ne pas faire de la chorégraphie ? »
De fil en aiguille, nous avons commencé à nous intéresser à ce qui se faisait plus largement dans la danse. Progressivement, nous apprenions à construire nos propres spectacles et nous nous sommes retrouvés parachutés dans le paysage chorégraphique français. Finalement, cela s’est fait presque malgré nous.
Notre rêve était de monter sur les planches et de partager notre amour pour l’art et le spectacle avec le plus grand nombre. » 

Mourad Merzouki par Bojan Stoilkovski

Quelle place aimerais-tu que la danse prenne dans la société ?

« Qu’elle soit présente du matin au soir. J’adorerais sur le chemin du travail voir de la danse dans le métro, au bureau, sur l’heure du déjeuner.
Voir de la danse nous rassure, nous met à l’aise. Il n’y a pas la barrière du langage puisque c’est universel. Nous pouvons aller en Afrique du Sud, aux États-Unis, au Mexique et danser avec l’autre en supprimant la barrière des mots. C’est un média fort et puissant.
Si la danse peut être encore plus présente, je serais ravi.
La danse nous renvoie aussi à la fête, au bonheur, au bien-être. Lorsque l’on se met à danser, on bouge et on se lâche. C’est tout cela que j’aime mettre en avant au quotidien dans mon travail. Et c’est ce qui me donne toute l’énergie pour continuer à créer, à inventer ou à être force de proposition pour de nouveaux projets qui servent la danse. »

« Le fait de voir de la danse nous rassure. »

Pourquoi le nom de Käfig pour ta compagnie ?

« Quand j’ai quitté Accrorap, je ne savais pas s’il fallait que je reparte dans une aventure de création de compagnie. J’avais eu une commande que j’avais acceptée pour faire un spectacle. Il n’y avait pas de nom de compagnie et c’était un spectacle qui réunissait des artistes originaires du Maghreb et d’Allemagne. On a travaillé ensemble sur la question des frontières, de l’enfermement, la notion de « cage ». Très vite, je me suis rendu compte que le mot Käfig qui signifie cage était le même en allemand et en arabe. Et c’est devenu le nom du spectacle. À l’issue de la tournée de Käfig, les directeurs de théâtre demandaient le nom de la compagnie. J’ai décidé de garder Käfig parce que c’était une façon de faire un contrepied à ce que je suis. Je suis plein de choses mais en aucun cas l’enfermement. Dans mon travail, à chaque fois, il est toujours question d’ouverture : aller vers l’autre et dialoguer. »

Avec toi, le mot « art vivant » prend pleinement son sens.

« Pour moi, le danseur, l’éclairagiste, le scénographe sont importants. J’aime d’abord travailler avec l’humain plutôt que d’être dans une succession de mouvements, de techniques. À chaque fois, je fais en sorte que les danseurs soient les plus heureux au plateau et défendent le projet comme je peux le défendre moi-même. Un spectacle réussi, c’est un spectacle où l’on sent cette alchimie entre les danseurs.
Dans chacune de mes créations, j’essaie toujours de retrouver cette ambiance, ce travail d’équipe, presque de famille. »

Vertikal de Mourad Merzouki par Gilles Aguilar

« j’aime bien ces spectacles où l’on est à la croisée des arts »

Quels sont les conseils que tu aimerais donner à ceux qui ont envie de créer un spectacle aujourd’hui ?

« « Si je peux donner un conseil, c’est la singularité.
Qu’est-ce qui fait qu’à un moment, toi, tu es différent de l’autre ? Il faut commencer à chercher à se singulariser dans sa démarche. Cela peut être par le rapport à la musique, le choix des costumes, la thématique, la distribution. Comment, à un moment dans le projet, nous nous disons « Wow, ce que je suis en train de voir là je ne l’avais pas vu ailleurs » ? C’est une donnée tellement importante. Il y a tellement de danseurs et de compagnies aujourd’hui. Il faut faire quelque chose qui nous ressemble, mais en même temps qui peut surprendre. C’est un point de départ clef.
J’aime bien également rappeler l’importance de la polyvalence. Je suis de ceux qui sont contre les cases. J’aime ces spectacles où l’on est à la croisée des arts parce qu’il y a davantage de possibilités de toucher un public le plus large possible.
Si je peux donner un conseil, c’est d’être le plus singulier possible dans la démarche et de cultiver la polyvalence. Si l’écriture nous surprend, si la thématique choisie est inattendue, nous allons nous y intéresser davantage et nous aurons davantage de chances de diffuser et partager le travail avec les théâtres. »

Extraits du podcast EP.12. Propos recueillis par Dorothée de Cabissole

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Dorothée de CabisSole
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