L’interview de Marion Motin,
une artiste du mouvement
Crédit photo : Julia Grandperret (Marion Motin)
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Marion Motin est danseuse et chorégraphe. Ses premiers pas de danse sont classiques et contemporains mais c’est dans le hip hop qu’elle trouve son élan de danseuse, notamment avec sa troupe les Swaggers.
Marion est artiste du mouvement. Elle cherche, déconstruit pour se réinventer de façon vraie, brute, animale. Chaque rencontre, chaque projet sont des territoires et des corps à explorer. Marion danse, vit et parle avec intensité.
Marion, comment te définis-tu ?
« Je n’aime pas trop me définir, mais je suis danseuse et chorégraphe. Peut-être plus chorégraphe aujourd’hui, mais toujours danseuse parce que pour chorégraphier, je danse.
J’ai toujours autant besoin de danser sur scène mais je me sens plus chorégraphe parce que, même ma danse, je me « l’auto-chorégraphie ». Je suis issue du milieu hip hop à la base. Aujourd’hui, je me détache un peu des codes esthétiques et techniques du hip hop. J’en garde le lifestyle, c’est-à-dire une façon de penser, une façon d’être, une énergie, une philosophie. Mais je n’ai plus envie de me dire que je fais de la danse hip hop ou contemporaine. Je sais qu’en France, il faut tout définir et tout ranger dans un tiroir et mettre une étiquette mais moi, je n’y arrive pas.
Je viens du hip hop, j’en garde l’énergie, la mentalité et le reste, je fais ce dont j’ai envie sur le moment. »
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Qu’est-ce qu’il se passe quand tu danses ?
« Quand je danse, j’ai l’impression d’être dans la vie. Je suis vraiment dans la matière, je suis dans le corps. Petite, dès lors que je ne dansais pas, je faisais beaucoup de rêveries diurnes, c’est-à-dire que dans la journée, je partais dans ma tête et je m’imaginais plein de choses.
Je me rappelle qu’une institutrice en CE2 m’avait fait passer un entretien parce qu’elle se demandait ce qu’il se passait dans ma tête. Encore aujourd’hui, dès que je ne danse plus, je « pars » beaucoup. Tout se passe dans ma tête et cela m’exclue un peu de la vraie vie. Ce que j’aime quand je suis en répétition, quand je danse, c’est que j’ai vraiment l’impression d’être dans mon monde, d’être là, dans le moment, dans la vie.»
La danse, c’est un art ?
« La danse est un art mais tout dépend de ce qu’on en fait.
Tout le monde peut danser chez lui et ce n’est pas forcément de l’art, c’est juste un défoulement, un besoin physique d’expression corporelle..
Et on peut l’amener vers l’art quand on raconte des histoires ou que l’on interprète des choses.
À la base, je pense que c’est quelque chose d’essentiel, de culturel. Dans beaucoup de cultures ancestrales, les gens dansaient.
Aujourd’hui, on ne danse plus, on ne bouge plus. Nous sommes avec notre technologie, un peu figé dans le corps. On prend des trottinettes électriques, on regarde nos téléphones et le corps ne bouge plus, même s’il y a ce regain de yoga et de gym.
Culturellement, nous avons oublié de diffuser les énergies dans le corps alors que cela devrait être normal.
Petite, je me rappelle des soirées de mes parents : ils dansaient.
Aujourd’hui, on ne danse plus, on « blablate » et on met des « likes ». Sans porter de jugement, je trouve que l’on a oublié l’effet thérapeutique, l’effet presque médicinal de danser.
Il faut bouger, c’est important pour le corps de faire circuler les choses, de lâcher, d’écouter de la musique, de se faire du bien et de se laisser être. On se juge beaucoup, on n’ose pas faire les choses.
Prendre un moment, danser, écouter un son : cela devrait être obligatoire presque une fois par jour pour se faire du bien. »
« C’est important d’avoir du temps, de s’ennuyer, de vivre parce que c’est comme cela que l’on se nourrit, que l’on se remplit, que l’on évolue.
Il faut du temps. »
C’est quoi la signature de Marion Motin dans le mouvement ?
« Ma signature dans le mouvement dépend des moments, des années. Et elle est résolument humaine. Je suis en recherche d’humanité, de corps qui bougent de manière naturelle.
Je n’aime pas voir de la danse. Certaines pièces de danse ne me parlent pas et m’ennuient. La danse que j’aime, c’est le mouvement et la pureté, c’est-à-dire l’honnêteté d’un mouvement. Si quelqu’un bouge, que ce soit un non-danseur ou un technicien, d’une manière très honnête et que le mouvement est sincère, c’est cela que j’aime.
D’ailleurs, parfois, je peux être sensible au mouvement d’une personne qui marche ou qui parle parce qu’elle est tellement ce qu’elle est que je suis en admiration et c’est cela que je recherche dans la danse : cette grande justesse, ce naturel, cette sincérité.
Je suis sanguine, j’ai un côté sauvage. C’est cela que l’on ressent dans ma danse : mon côté humain, ma personnalité dans la vie. Je suis dans la danse ce que suis dans la vie. »
Comment tu te nourris en danse ?
« Bizarrement, ce n’est pas la danse qui va m’inspirer.
Les films sont une grande source d’inspiration pour l’aspect lumières, ambiances, etc.
Pour la gestuelle, c’est la vie.
J’ai longtemps été, et je le suis encore, inspirée par les déplacements animaliers.
Chez moi, à la mer, il y a des gros vols d’oiseaux C’est très impressionnant. La façon dont ils se déplacent, la synchronisation, les changements de formation, l’écoute entre eux sont incroyables.
Observer le vent qui passe dans les arbres et son effet sur le déplacement d’une feuille, comprendre la corporalité des surfeurs. En fait, le mouvement qui ne vient pas de la danse.
Si tu mets plein de surfeurs sans leurs planches de surf, tu peux avoir une chorégraphie fantastique. C’est cela qui m’inspire le plus, ce sont les gestuelles de la vie, les gestuelles accidentelles, les énergies environnantes : la mer, le vent, les animaux. La danse ne m’inspire pas, mais comment pourrait-on être inspiré par la danse alors que la danse tire forcément sa source à un endroit ? Si l’on s’inspire de la danse, on refait tous la même chose et on reste dans la danse. C’est monotone. »
Est-ce qu’il te reste des rêves ?
« Il me reste des rêves dont un très important. Je suis en train de courir après, mais je ne peux pas en parler parce que c’est un rêve et je voudrais le garder secret pour le moment. S’il se réalise, tant mieux. S’il ne se réalise pas, je continuerai à fantasmer dessus. J’ai surtout envie de raconter des histoires, de reprendre mes créations personnelles. J’adore les collaborations. Je vais continuer, mais je ne voudrais faire que des choses où j’ai le temps, où l’on a de la considération et où je m’éclate. Je n’ai pas envie de faire de compromis. J’ai fait ce métier-là pour m’éclater et être moi à 100%.
Je ne veux prendre que du plaisir. On ne prend pas tout le temps du plaisir parce que l’on se met en danger, on prend des risques. C’est dur, mais je ne veux qu’être dans des projets qui me correspondent.
C’est risqué mais j’ai envie de vivre et ces derniers temps, j’ai pas mal couru. J’ai un gamin et j’ai envie de le voir. J’ai un mari, une famille, une vie. Lorsque l’on est artiste, c’est important d’avoir du temps, de s’ennuyer, de vivre parce que c’est comme cela que l’on se nourrit, que l’on se remplit, et que l’on évolue. Il faut du temps. Il faut prendre le temps de contempler les choses. Il faut prendre le temps de laisser sa tête partir en rêverie diurne. Réfléchir. Se questionner. Laisser les choses venir. Et se dire « Ah tiens, ça, c’est intéressant ».
Lorsque l’on court, on ne peut plus créer. On n’a pas le temps. La création, on ne la cherche pas, c’est elle qui vient à toi. Plus tu cherches à inventer un truc, moins tu vas inventer. Et puis, tu vas aller te balader, plus tu vas lâcher les armes, et là, il y a une idée qui arrive. Il faut prendre ce temps-là.
J’ai envie de danser un peu pour moi tous les jours, de faire des projets et puis de vivre. »
les artistes pour qui elle a travaillé
- La compagnie d’Angelin Preljocaj
- Blanca Li
- Robbie Williams
- Madonna
- Stromae
- Christine and the Queens
- La comédie musicale Résiste de France Gall
- Le Fashion Freak Show de Jean-Paul Gaultier
- Angèle et bien d’autres encores
Ses meilleures conditions pour créer
- Se sentir libre
- Une bonne ambiance
- Une écoute
- Du respect
- De la musique
- Une bande de potes
Le profil type du danseur avec qui elle « matche »
Un danseur qui ne se regarde pas danser, qui ne va pas essayer d’être le meilleur, qui va juste essayer d’être lui.
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Dorothée de CabisSole
Dorothée est la fondatrice du podcast Tous Danseurs.
Après une première vie professionnelle bien remplie, elle a décidé de mettre son énegie et ses savoir-faire au service de la danse.
Vivre ses rêves et être en mouvement.
Le beau, la culture, les arts vivants sont essentiels. Nous avons tous un rôle à jouer.
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