LES FONDAMENTAUX DE
LA DANSE CONTEMPORAINE
Crédits photo : Julien Benhamou (Brise-Lames, Damien Jalet)
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La danse, comme tous les autres arts a été marquée par la révolution contemporaine d’après-guerre. Les prémices de la danse contemporaine se font voir dès les années 30 aux Etats-Unis et en Allemagne. En France, il faudra attendre les années 70 pour assister à l’explosion de cette discipline libre et plurielle devenue incontournable aujourd’hui. Retour sur la danse contemporaine qui s’inscrit dans l’histoire.
Un peu de sémantique
La danse contemporaine se définit au sens littéral comme une danse actuelle, ancrée dans les courants de l’après-guerre à nos jours. Cependant, sa définition a fortement évolué dans le temps, selon les contextes et la géographie, pour finalement recouvrir de multiples techniques et esthétiques.
Aujourd’hui, la danse contemporaine se reconnaît comme telle à travers les créateurs qui s’en revendiquent. Elle se définie par elle-même, soit par filiations, soit par ruptures, avec une attitude commune devant l’histoire : emprunter les techniques aux courants modernes ou classiques, les actualiser ou les détourner, les métisser de théâtre, de littérature, d’architecture, d’arts plastiques, de cirque et d’autres disciplines artistiques.
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Les prémices : la danse moderne américaine et allemande
Contrairement à la France où la danse classique est la danse de référence, les Etats-Unis ne sont pas attachés à une esthétique spécifique en matière de danse. Ainsi, avant les années 30, la voie est libre pour rechercher de nouvelles techniques de danse. Plusieurs chorégraphes dont Isadora Duncan, Loïe Fuller et Ruth Saint Denis vont contribuer à l’avènement de la « nouvelle danse », la « danse libre » ou encore la « danse d’expression » dénommée par la suite “danse moderne”.
Bien que ces chorégraphes ont posé les bases de cette nouvelle danse, ce sont Doris Humphrey et Martha Graham qui vont développer la danse moderne, fondée sur les principes de respiration, contraction, relâchement, mais aussi sur les équilibres et déséquilibres.
En Allemagne, on retrouve également une première génération de chorégraphes novateurs comme Marie Wigman et Kurt Jooss. Marie Wigman (élève de Rudolf Laban) propose une technique fondée sur la respiration, le travail du torse et du bassin, l’alternance de la tension et du relâchement. Son œuvre « La Danse de la sorcière » (Hexentanz) de 1914 est l’une de ses œuvres la plus connue, rompant la tradition classique avec des gestes brusques et un rapport au sol. Marie Wigman dit vouloir ressentir sa danse de l’intérieur et non comme une succession de mouvements.
Merce Cunningham, père de la danse contemporaine ?
Une seconde génération de danseurs et de chorégraphes – dans le sillon de ces chorégraphes américains et allemands – va faire évoluer leur travail et se rapprocher de la danse contemporaine actuelle.
Ainsi, dès les années 40 le plus important sera Merce Cunningham, élève de Martha Graham. En raison de sa rupture totale avec les techniques de danse formelles, Merce Cunningham est souvent qualifié de père de la danse contemporaine. Selon Merce Cunningham, la danse ne doit plus s’appuyer sur la narration, « le mouvement est expressif au-delà de toute intention ». Pour lui, la relation entre la musique et le mouvement n’est pas obligatoire. De plus, en opposition au ballet classique basé sur la symétrie, la perspective et le centre, il va donner à ses danseurs des partitions différentes à réaliser à divers endroits de la scène. Enfin, il est l’un des premiers chorégraphes à incorporer des mouvements de la vie courante à ses créations.
“le mouvement est expressif
au-delà de toute intention”.
MERce cunningham
La « révolution de la danse » : la post-modern dance et Pina Bausch
Dans les années 60, le courant post-modern va constituer la première génération de chorégraphes contemporains aux Etats-Unis. La plupart des danseurs de ce groupe sont passés chez Merce Cunningham et s’inspirent de ses principes. Parmi eux, on retrouve Steve Paxton, Trisha Brown, Lucinda Childs, Yvonne Rainer.
En Californie se constitue le « Judson Dance Theater », un groupe informel de danseurs proposant des performances à la Judson Church, composé notamment de Trisha Brown, Lucinda Childs et Steve Paxton. Ce groupe est considéré comme l’un des fondateurs de la danse post-moderne dont les caractéristiques sont l’utilisation des mouvements du quotidien (tourner, sur place, marcher, courir, sauter) et le retour au mouvement naturel. Ce courant va laisser une large part à l’improvisation, déjà entamée sous une forme différente par Merce Cunningham. On y retrouve certaines techniques qui fondent actuellement la danse contemporaine : la répétition, l’accumulation et le contact improvisation.
L’Allemagne quant à elle, secouée par la seconde guerre mondiale, va rejeter la danse d’expression d’avant-guerre. 3 femmes seront les figures de cette rupture : Suzanne Linke, Reinhild Hoffmann et Pina Bausch, la plus célèbre.
Très marquée par l’histoire, Pina Bausch refuse toute allusion au passé d’avant-guerre et va inventer de nouvelles formes de spectacles. Elle ouvrira notamment la danse contemporaine au territoire du théâtre, en introduisant le concept de danse-théâtre ou Tanztheater. Du théâtre, Pina Bausch en retiendra les formes (situations, apartés, monologues, échanges abrupts, traversées de l’espace), qu’elle fait porter par la danse. Elle fera danser des danseurs de tout genre et de diverses morphologies pour casser l’image du danseur parfait (Barbe-Bleue et Orphée et Eurydice en 1977, Le Sacre du printemps en 1975) et créera un langage nouveau basé sur des rituels collectifs, la répétition des mouvements et l’utilisation de la parole. Elle mènera également un travail introspectif avec ses danseurs autour des improvisations.
L’arrivée de la danse contemporaine en France
Les premiers pas
A la fin des années 60, le milieu chorégraphique français, imprégné de l’esprit de mai 1968, aspire à du renouveau. Plusieurs danseurs classiques comme Michel Descombey, Jacques Garnier, Brigitte Lefèvre, Maurice Béjart et bien d’autres, formés aux courants américains et allemands, proposent de nouvelles démarches chorégraphiques.
Ces diverses approches artistiques sont rassemblées d’abord sous les termes de danse moderne, puis, progressivement à partir des années 70, sous ceux de danse contemporaine.
Cette « nouvelle danse » s’exprimera notamment dans le cadre du Concours de Bagnolet créé en 1969. Ce concours consacrera la plupart des chorégraphes notoires tels que Dominique Bagouet, Claude Brumachon, Philippe Decouflé, Jean-Claude Gallotta, Daniel Larrieu ou encore Angelin Preljocaj et s’affirmera comme la principale voie de reconnaissance pour les représentants de la danse contemporaine émergente.
Dès 1974, le concours est reconnu par l’État qui lui attribue des aides.
Cette orientation se poursuit avec Michel Guy, qui crée le Festival d’Automne à Paris en 1972. Il occupera les fonctions de Secrétaire d’État à la Culture entre 1974 et 1976. Son grand intérêt pour la danse moderne américaine l’amène à inviter plusieurs artistes de ce courant lors du Festival d’Automne et contribue à sensibiliser le public à la danse contemporaine.
L’institutionnalisation
La politique de soutien à la création chorégraphique contemporaine, initiée dans les années 70, va se poursuivre dans les années 80 et 90 et débouche sur l’institutionnalisation de la danse contemporaine en France.
L’impulsion donnée par Michel Guy dans les années 70 est prolongée par l’action de Jack Lang, nommé ministre de la Culture en 1981, notamment à travers la construction des Centres chorégraphiques nationaux (CCN) et du Centre national de danse contemporaine d’Angers dont le premier directeur a été Alwin Nikolai. Les chorégraphes nommés à leur tête sont majoritairement de style contemporain, ce qui contribuera au renforcement de la danse contemporaine. La mise en place du réseau des CCN s’accompagne d’aides de l’Etat apportées aux compagnies indépendantes majoritairement contemporaines.
En juillet 1981, Georges Frêche, alors maire de Montpellier et Dominique Bagouet, chorégraphe et jeune directeur du Centre chorégraphique national de Montpellier, vont créer dans le cadre d’une politique de décentralisation de la culture le festival Montpellier Danse. Ce festival encore incontournable aujourd’hui, permettra largement le développement de la danse contemporaine.
Des mesures sont également prises dans le secteur de l’enseignement et de la diffusion avec la création en 1993 d’un diplôme d’enseignement de la danse contemporaine. Ce diplôme permettra son enseignement dans les conservatoires. Côté diffusion, les théâtres vont intensifier leur programmation chorégraphique contemporaine à l’image du Théâtre de la Ville.
Enfin, le Centre national de la danse (CND), installé à Pantin depuis 2004, sera créé en réponse à un besoin de développement de la culture chorégraphique, dont la danse contemporaine constitue l’un des volets principaux.
Quelques figures françaises incontournables des années 80
La danse contemporaine française revêt alors plusieurs visages et ce grâce aux nombreux chorégraphes qui s’en revendiquent et aux diverses esthétiques et univers qu’ils proposent.
Ainsi, Maguy Marin avec ses œuvres de danse-théâtre engagées interrogent le devenir de l’humanité, comme dans sa pièce majeure May B de 1981.
Philippe Decouflé, chorégraphe le plus populaire de sa génération, déploie un univers poétique et burlesque dans lequel l’image a une place importante comme dans sa création Caramba de 1986.
Jean-Claude Gallotta, l’une des figures de la danse d’auteur à la française des années 80, développe une danse théâtrale ponctuée de touches d’humour pour mieux aborder les relations entre les individus comme dans Yvan Vaffan de 1984.
En créant leur compagnie l’Esquisse, Joëlle Bouvier et Régis Obadia (directeurs du Centre Chorégraphique National du Havre dès 1986, puis du Centre national de danse contemporaine d’Angers de 1993 à 1998), placent l’interprétation au cœur de leur démarche.
Régine Chopinot quant à elle convoque dans son parcours des personnalités fortes et inattendues comme Philippe Decouflé, des plasticiens, des vidéastes, ou encore le couturier Jean-Paul Gaultier. Elle propose des espaces de représentation insolites : un ring de boxe, un échiquier ou encore un défilé de mode comme dans son œuvre Le Défilé de 1985.
La danse contemporaine aujourd’hui
Au fil des années, la danse contemporaine s’affirme tout en continuant de prôner une liberté de mouvement. Elle est en perpétuelle évolution pour mieux intégrer les enjeux de notre monde et se métisse de différentes expressions artistiques.
Angelin Preljocaj n’a de cesse de chercher dans l’écriture du mouvement pour développer son langage de la danse. Il a pour obsession la justesse du geste et aime revisiter les grands ballets pour les réinterpréter, comme Noces (1989) ou encore Roméo et Juliette (1990), bâtissant ainsi son patrimoine chorégraphique.
Blanca Li mélange les langages dansés (électro, hip hop) et aborde une grande diversité de sujets, que ce soit la féminité à travers sa création Déesses et démones (2015), la dépendance aux nouvelles technologies dans Robots (2016) ou bien la beauté du monde dans Solstice (2017).
Crystal Pite, fascinée par la nature, en fait un thème récurrent dans ses créations. Elle aime créer à partir de l’observation du comportement de l’homme dans son environnement.
De son côté, Damien Jalet se nourrit des rituels et de traditions du monde entier pour créer : les rituels japonais dans Skid, Thr(o)ugh ou Yama, les traditions animistes mexicaines ou européennes dans Omphalos. Il explore également de nouvelles manières de voir le corps en mouvement, notamment dans ses rapports à la matière.
Mourad Merzouki inscrit son travail au carrefour de multiples disciplines telles les arts martiaux dans Boxe Boxe, les arts plastiques dans Yo Gee Ti, la vidéo à travers Pixel et la musique live notamment avec Folia. Ce dialogue permet d’ouvrir de nouveaux horizons à la danse.
Rachid Ouramdane conçoit ses spectacles comme un chemin pour réfléchir à ce qui construit nos identités. Ses pièces sont notamment des réflexions sur la manière dont l’Histoire, le discours des médias façonnent l’expérience de chacun.
Sidi Larbi Cherkaoui déploie une pensée sur ce qui fait humanité – communauté à l’image de son triptyque Noetic, Icon et Stoic, qui dépeignent trois manières de s’organiser en tant que société.
Sans oublier Boris Charmatz, François Chaignaud, Fouad Boussouf, Jann Gallois, Jérôme Bel, José Montalvo, Leïla Ka, Maud le Pladec, Noé Soulier, Olivier Dubois, Yuval Pick etc. et bien d’autres encore qui font la richesse de la scène française.
La scène contemporaine est riche de chorégraphes qui ne cessent de se renouveler et d’ouvrir les horizons de la danse contemporaine.
La danse contemporaine est la danse d’aujourd’hui qui replace le corps de l’homme au cœur du dispositif créatif pour mieux parler du vivant.
Elle n’a pas de frontière esthétique et imagine des ailleurs.
C’est le territoire du présent et de l’avant-garde pour toutes les générations de chorégraphes.
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ANNE FOTSO
Après plusieurs années à travailler à la fois dans le secteur du droit et en tant que danseuse, Anne a finalement décidé d’embrasser sa passion depuis toujours, la danse.
Aujourd’hui danseuse contemporaine, chorégraphe et professeur à Paris, elle a repris des études en management culturel et artistique à l’ICART pour affuter ses compétences dans le secteur du spectacle vivant.
Anne est stagiaire pour Tous Danseurs et aide au déploiement du site.
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